Les visages des RP danses - Genève

Les visages des RP danses - Genève

UN VISAGE PLURIEL

L'association des RP danses – Genève, constituée en mai 2008, compte 2 collaboratrices fixes (0,8 pt au total), 6 membres du comité et 160 membres professionnel·le·x·s représenté·e·x·s: interprètes en danse, porteur·euse·x·s de projets, chorégraphes, chargé·e·x·s de production-diffusion, administrateur·ice·x·s, enseigant·e·x·s, etc.
Dans le cadre de nos 15 ans (anniversaire fêté le 15 mai 2023), découvrez ci-dessous et au fil des mois quelques-uns des visages* qui composent le bureau, le comité, ou encore les membres et partenaires de l'association. Bonne lecture !
(Avril 2023)

* Fabio Bergamaschi (interprète et chargé de médiation), Caroline de cornière (interprète & chorégraphe, membre comité), Edouard Hue (chorégraphe, membre comité), Margaux Monetti (interprète et médiatrice culturelle, membre asso), Tilouna Morel (interprète, membre asso), Marcela San Pedro (interprète, chorégraphe et chargée de médiation), Barbara Yvelin (collaboratrice au bureau de l'asso), et d'autres pros à venir !



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RENCONTRE #4 AVEC...
Fabio Bergamashi (F.B.) & Marcela San Pedro (M.S.P.),
membres de l'association depuis les débuts de l'associatoin en 2018.
Propos recueillis & mis en forme par Anaïs Glérant & Barbara Yvelin, bureau des RP danses - Genève

Fabio Bergamashi est venu à la danse contemporaine à ses 18 ans,dans le but de trouver un espace de liberté et exprimer sa singularité. Ils’est formé en Italie, avant de d’émigrer en Suisse, afin de développerplus profondément sa recherche sur la danse contemporaine. Danseur-interprètedepuis vingt-cinq ans, il est actuellement impliqué dans des divers projets enSuisse et à l’étranger. En 2015, il a obtenu à Lausanne un CAS en médiationculturelle. Maman de deux grands garçons, Marcela San Pedro est née au Chili. Elle s’est principalement formée à la Folkwanghochschule - Essen, avant de s’installer à Genève en 1995 où elle a été interprète pour différents chorégraphes et metteur.e.s. en scène suisse romands et étrangers, dont notamment Noémi Lapzeson, pendant près de vingt ans. En parallèle, elle crée des spectacles avec sa propre structure, Le Ciel Productions, depuis 1999. Avec le soutien de Danse Transition, elle a récemment obtenu un bachelor en psychologie à l’UNIL et effectue actuellement un master en psychomotricité à la HETS. Fabio & Marcela sont membres des RP danses – Genève depuis les débuts de l’association en 2008.


RP Danses – Genève En tant qu’interprètes expérimentés, quand et comment avez-vous pris conscience que continuer comme avant devenait difficile ?
F.B.
Je constate une tendance à me tester pour savoir si je suis encore capable et le manque de confiance qu’on m’accorde parfois est difficile. A partir d’un certain âge, on est considéré comme dépassé ou moins capable d’être performant ou novateur. Ça découle d’un système qui valorise la jeunesse au détriment de l’expérience.
M.S.P. Après trente ans de danse, je crois avoir gagné en expérience et en savoir-faire, mais au niveau physique, le corps ne suit plus. Je rencontre entre autres des problèmes d’articulations. D’autre part, psychologiquement, tenir ce rythme de vie – horaires tardifs et irréguliers, précarité financière, instabilité – génère à mon avis une forme de fragilité chronique globale.

RP Danses – Genève En somme, des modes de travail précaires et non adaptés aux rythmes des âges ainsi qu’un manque global de reconnaissance mettent à mal la résilience sur le long terme ?
M.S.P
Le décès de Noémie Lapzseson a été un événement marquant pour moi. Ça m’a montré ce que cette vie d’artiste chorégraphique peut faire à quelqu’un, lorsque tu as tout donné et qu’au bout du compte il ne te reste que très peu.
F.B. Les salaires sont la plupart du temps transversaux, mais ne s’adaptent pas forcement au niveau d’expérience et des compétences acquises. Le seul moyen d’évoluer financièrement est alors de cumuler les tâches et les empois. Plus on avance dans l’âge, plus on est obligé de travailler pour plusieurs employeur·euse·s par mois, afin de pouvoir trouver une stabilité financière minimale, ce qui amène à ce que j’appelle une certaine « schizophrénie » du danseur·euse. Situation pas forcément adaptée aux énergies et aux rythmes des interprètes plus matures, notamment au temps de récupération nécessairement plus long et à une fragilité physique plus accentuée par l’usure du corps.
M.S.P. Ce sont déjà toutes les contraintes sur lesquelles les RP danses - Genève travaillent telles que les bas salaires, la précarité des contrats. Avec le temps et l’âge, ces contraintes deviennent de plus en plus difficiles à vivre. La précarité du système engendre, dans la durée, une violence psychologique car c’est une manière de te dire que tu n’es pas très important alors que tu travailles de façon compétente et acharnée depuis plus de vingt ans.

RP Danses – Genève Se reconnecter à soi et ses valeurs, trouver du sens, valoriser ses compétences tout en continuant à les développer… Quel a été l’événement déclic pour vous ?
F.B. Je me rappelle d’une pièce de Merce Cunningham, où lui-même dansait sur scène, dans la période où il était déjà atteint d’une grave arthrose déformante. Il dansait dynamiquement, attaché à une barre de danse en guise de béquille. Il dansait sa vérité la plus forte, la plus émouvante et extraordinaire. Un exemple qui m’a donné la motivation de faire ce que je fais. Je trouvais très juste de valoriser cette singularité sans jugement. Je cherchais un endroit où je pouvais exister sans avoir à me justifier et c’est dans la danse contemporaine qui privilège l’improvisation que j’ai pu le faire. Cette expérience a changé mon regard sur la vie. Pour moi, la médiation en danse parle de ça. Monter des projets artistiques qui aident le public à faire une expérience émotionnelle et esthétique et à voir autrement le monde. C’est une manière de transmettre ma passion et de pousser plus loin mes compétences acquises au travers du métier d’interprète.
M.S.P. C’est en travaillant auprès de l’association dansehabile que j’ai redécouvert l’intérêt de la notion de soin. Grâce au travail avec ces membres, je me suis dit qu’il serait intéressant et utile de repenser et d’orienter ce que j’avais appris au travers de ma pratique dans une perspective thérapeutique. Je me suis alors tournée vers la psychomotricité. A posteriori, si je pense d’où je viens, avec des parents médecins, cette direction semble être en cohérence avec mon milieu d’origine. Il me semble aujourd’hui évident de tenter de construire une passerelle entre la danse, le mouvement et le soin. Sans abandonner totalement la création, mon espoir c’est d’être quelqu’un qui a dans sa valise des outils pour aider les autres. C’est ça qui me motive et qui fait sens pour moi aujourd’hui.

Octobre 2023

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RENCONTRE #3 AVEC...