
DANSE & PARENTALITE
Photo: Forum Danse 2022 du 4.11 (dis)continuité des carrières, atelier Marco Delgado et Nadine Fuchs (convivialité familiale de la scène danse)
Le 30 juin 2022, les RP danses - Genève organisaient une rencontre pour penser la relève en danse ainsi que la durabilité de la profession (comment durer en tant qu'interprète ? quels sont les besoins des jeunes ? et des moins jeunes ? Que fait-on d'un corps vieillissant, fatigué, blessé, enceinte ?)
A l'approche de la GRÈVE FEMINISTE 2023, Nous – associations professionnelles* – souhaitons nous atteler à la problématique du rapport entre carrière en danse et parentalité.
Que vous ayez des enfants ou non, et quel que soit votre genre et votre métier (artistique, pédagogique, technique ou administratif), nous recueillons vos pensées, constats et témoignages sur cette thématique ** par l'intermédiaire de notre questionnaire (disponible en 3 langues). Le délai pour y répondre est fixé au 21 juin 2023. Il nécessite 10 minutes de votre temps et est anonyme (avec possibilité de donner son nom).
Les résultats, anonymisés, seront rendus publics à l’automne 2023.
QUESTIONNAIRE
en français / en italien / en allemand
De quelle manière le choix d’avoir un enfant ou d’y renoncer impacte-t-elle la trajectoire professionnelle, le corps à la fois physique et social ? Jusqu’où peut-on associer les fonctions parentales et artistiques et comment compose-t-on avec ces deux rôles qui relèvent tous deux d’un soin important mais sont de natures toutefois différentes ? Quelle sont enfin les mesures existantes ou à inventer afin de les harmoniser ?
=> Afin de sonder le contexte et d’envisager des pistes d’amélioration, nos trois associations professionnelles s’unissent. L’étude des réponses apportées permettra d’imaginer des initiatives à mettre en œuvre dès la saison prochaine.
* Action Danse Fribourg, AVDC – Association vaudoise de danse contemporaine, Rencontres professionnelles de danses – Genève (RP danses)
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planification ou non d’une grossesse vis à vis du contexte
professionnel, aménagement des conditions de travail, accouchement,
allaitement, interruption de l'entraînement, tournées, modes de gardes,
répercussions sur l’engagement et le gain intermédiaire, etc.
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Merci à nos partenaires de diffusion (Danse Transition, Danse Suisse,
RESO, LCV, ADN danse Neuchâtel, Danse!, Danza sia) pour la promotion de
ce questionnaire auprès de leur réseau respectif.
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INTERVIEWS
Afin d'accompagner le lancement du questionnaire, nous publions
ci-dessous quelques interviews d'artistes chorégraphiques en lien avec
la question de la parentalité.
Les ressentis et expériences sont très différents selon les individus. Les interviews ci-dessous ont pour but de rendre compte d'une pluralité des points de vue et de lancer la réflexion.
MAI 2023 / PORTRAIT N°1
Laurence YADI & Nicolas CANTILLON
Co-chorégraphes de la Cie 7273 depuis 2003 ; 2 enfants né·e·s en 2015
Retranscription écrite d'après interview téléphonique
Pour Laurence et Nicolas, l'adaptation à la vie professionnelle une fois les enfants nés s'est fait naturellement et sans heurt. Aujourd'hui séparés côté vie privée, Laurence et Nicolas partagent une vie familiale forte à travers leur travail de co-chorégraphes. Ils notent un changement de mentalité dans la société vis-à-vis de l'intégration des enfants dans la sphère professionnelle, même si une amélioration reste souhaitable.
Les + pour eux: une récupération post-partum aisée; une inclusion des enfants à la sphère professionnelle plutôt fluide; une force émotionnelle et une ouverture d'esprit supplémentaires
Les - pour eux: une certaine fatigue; des frais de voyage supplémentaires lors des tournées; un accueil des enfants dans le cadre professionnel parfois plus compliqué selon les cultures et pays d'accueil des tournées
Les changements, ni + ni -: en terme de gestion du temps, une balance entre éducation et création est à trouver
RP danses – Genève Qu’est-ce qui d’un point de vue physique, identitaire et social a changé pour vous depuis que vous êtes parents ?
L.Y. Au début on a tout voulu faire pareil, on voulait continuer comme si on n'avait pas d'enfants. Puis on s’est adapté. Au niveau physique, le corps du danseur est assez magique, le fait d’avoir une activité physique intensive m’a aidée à avoir une récupération rapide. J'ai repris assez vite, je n’ai pas senti de grands bouleversements dans l'esprit de la scène. Je dirais que j’ai maintenant un autre regard sur le monde, on rencontre les parents des autres enfants, on est moins égocentrique. On est face à une nouvelle génération.
N.C. Il n’y a pas eu de changement sur le fond du travail, le fond et la forme sont plus ou moins les mêmes. Avoir des enfants n’a pas généré de grosses questions sur comment réaliser une création par rapport à ce qu'on vit aujourd'hui.
L.Y. Et nous travaillons avec des danseuses qui ont-elles-mêmes des enfants, elles viennent parfois avec leur bébé en tournée. On trouve cela logique qu'elles puissent le faire puisqu’on l’a fait aussi.
RP danses – Genève Qu'est ce qui, selon votre expérience, génère parfois des difficultés et qu'est-ce qui pourrait faciliter leur résolution ?
L.Y. La question de fond est financière. Nous avons toujours payé les billets d’avions de nos enfants, c’est très nouveau la prise en charge des voyages des enfants par les structures, ce n’était pas le cas encore fin 2019. Luzerner Theater a pris en charge mes enfants quand j’ai réalisé la chorégraphie Ineptie pour le Ballet, il y a un an ! Selon les pays de tournée, c’est plus compliqué, certains pays sont plus ouverts à cela. Par exemple, dans les pays asiatiques, les enfants au travail, cela peut être compliqué. Au Canada et dans les pays scandinaves c’est plutôt bien, en Europe c’est bien accepté et cela avance dans ce sens un peu partout. Mais il y a encore une marge de progression à faire pour le futur.
N.C. On s'adapte naturellement aux problématiques qu'on peut rencontrer, ce ne sont pas vraiment des problèmes, il n’y a pas de contraintes, juste des choses à résoudre. Le gros changement, c'est le temps dédié à l'éducation et la création, la balance à faire entre les deux.
Pour les enfants, c’est super, ils sont dans les théâtres, ils se sentent chez eux, c’est naturel de nous accompagner dans le travail. Ils sont très flexibles, les enfants, très adaptables. C'est assez fou d'y penser. Ils sont intégrés dans cet environnement. Ils savent où se passent les choses, les loges, l'administration. Ils se sont adaptés. Enfin, ils ont toujours connu ça.
L.Y. Parfois les papas viennent aider, le groupe est plus nombreux que d'habitude, cela change la logistique. On voyage en plus gros groupe, parfois quinze personnes. On se connait tous très bien, on collabore avec certains danseurs depuis 10 ans, donc on s'adapte assez facilement.
Bien sûr, c’est plus fatiguant de tourner avec les enfants que sans, mais ils nous donnent de la force.
N.C. Le fait d'avoir des enfants n'a pas mis en péril la structure. On oublie vite les difficultés, on trouve des solutions. Ce n’est ni confortable ni inconfortable. C'est une nouvelle branche qui a poussé sur l'arbre, on vit comme ça. Les questions financières et logistiques étaient déjà présentes avant, on fait des choix et on s'adapte.
L.Y. Avant d’avoir des enfants, on peut imaginer que cela sera différent mais on fait face à une réalité. On fait un joli métier, ils sont heureux de venir avec nous. Maintenant, ils font les échauffements physiques avec nous, ils dansent. Ils sont intelligents, on leur parle beaucoup, on leur explique ce que l’on fait, ils suivent tout. Il n’y a pas de notion de contrainte. Le travail reste un plaisir.
RP danses – Genève Qu’implique pour vous le fait de travailler ensemble dans la même structure ?
L.Y. On se connait depuis plus de 30 ans, c'est notre vie, ça n'a pas bougé. On a juste dû s'adapter. On doit simplement gérer la fatigue mais ce n'est pas un frein. Quand on a eu des enfants, la structure était solide, ils ne sont pas arrivés dans un univers fragile. Il n’y avait pas de raisons que tout s'arrête.
N.C. Pour préciser, on était un couple à la vie et à la scène avant. Maintenant, seulement à la scène. Le fait que les enfants soient avec nous au travail, cela leur permet de partager du temps avec leurs parents. Ils n'ont pas deux vies séparées. Pour eux, on est un couple dans le travail et on sent que c'est positif pour eux. La notion de famille dans le cadre du travail est très forte.
Mai 2023